Musulmans etChretiens sont victimes de l'atrophie etatique
Musulmans et chrétiens sont victimes de l’atrophie étatique
Publié le 13 mars 2014 à 9:00 dans Le Monde
Des lynchages de musulmans ponctuent régulièrement l’actualité centrafricaine. Depuis le déploiement des forces internationales en décembre, près de 50 000 musulmans se seraient réfugiés au Tchad voisin1. Il ne s’agit donc pas d’un fantasme médiatique. Pourtant le déchirement de la Centrafrique va bien au-delà des faux-semblants d’une prétendue guerre de religion.
Des tensions historiques et des rancœurs plus récentes alimentent la rivalité entre chrétiens et musulmans de Centrafrique2. Historiquement l’Islam incarne une menace. Au XIXe siècle, les razzias sont venues du Nord et des sultanats musulmans, dans le cadre de la traite musulmane en direction de l’Afrique orientale. Des rancœurs plus récentes se sont développées autour du partage de l’activité économique. Les « Tchadiens », toujours plus nombreux depuis l’indépendance, et dont beaucoup constituent déjà la 2e ou 3e génération installée en Centrafrique, tiennent le commerce de gros, la petite quincaillerie, l’extraction de l’or et du diamant.
Sur le marché des principales localités centrafricaines, à Bouar, Berberati, comme à Bangassou ou Bambari, à Nola comme au fameux PK5 de Bangui, c’est eux que l’on retrouve. Identifiables à leurs djellabas et à leurs boutiques étroites et encombrées, ils négocient, ils importent, ils écoulent des mètres de pagne, des kilos de manioc, et des dizaines de motos Honda, de contrefaçon nigériane ou chinoise. Enfin, la position limitrophe de la Centrafrique face aux pays du Sahel, à majorité musulmane, est depuis longtemps source de méfiance. On jauge l’avancée du « péril musulman ». Bien implanté au Nord et à l’Est du pays depuis maintenant deux siècles, l’Islam sunnite a progressé visiblement, ces vingt dernières années, dans les régions traditionnellement chrétiennes du Sud et de l’Ouest. Par ailleurs, de nouveaux courants musulmans, certes minoritaires mais radicaux, ont fait leur apparition dans les années 2000.
Aussi réelles soient-elles, ces tensions et ces rancœurs n’avaient pourtant jamais remis en cause, avant le coup d’Etat du 24 mars 2013, le caractère pacifique de la cohabitation entre chrétiens et musulmans en Centrafrique. Ainsi, ceux que l’on appelle les « Tchadiens » n’ont pas quitté la Centrafrique par crainte de leurs voisins chrétiens, mais bien davantage par peur des raids d’anti-balakas. La tolérance mutuelle reste la règle. Au quotidien, les rapports économiques et sociaux sont étroits. Les appels pacifiques lancés ces derniers mois, conjointement par l’imam Kobine, président de la communauté islamique du pays et l’archevêque catholique, Mgr Nzapalainga n’ont rien d’artificiel ou d’incantatoire3. Ils s’inscrivent dans la tradition d’une cohabitation intelligente et pacifiée entre les deux confessions.
Coalition de rebelles insatisfaits du nord de la Centrafrique et de mercenaires tchadiens et soudanais aux méthodes de guerres éprouvées, la Séléka a laissé libre cours à sa violence depuis le coup d’Etat du 24 mars jusqu’à l’intervention des Français, dans le cadre de l’opération Sangaris, le 5 décembre 2013. Premier président musulman de la RCA, Michel Djotodia, politiquement illégitime et impuissant, s’est bien gardé d’y mettre un frein. Les chrétiens ont été les principales victimes de ces exactions. Pourtant, les pillages, les viols, les meurtres, sur lesquels les musulmans de Centrafrique ont cru bon fermer les yeux, se sont davantage apparentés aux débordements d’une armée de mercenaires mal payée et mal commandée qu’au djihad déguisé qu’ont cru y voir les chrétiens de Centrafrique. Pas un imam n’a élevé la voix pour appeler à une quelconque guerre sainte. Les va-t-en-guerre de tout poil, Janjawids soudanais, Zagawas tchadiens, émules de Baba Ladé, ont reproduit à Bangui et dans tout l’Ouest du pays ce qu’ils pratiquent partout ailleurs, une économie de la rapine et de la terreur.
La thèse d’une guerre religieuse peut également être battue en brèche si l’on considère la réalité des milices anti-balakas dites « chrétiennes ». Difficile de cerner en effet une once de conviction religieuse dans ces troupes « de jeunes désœuvrés analphabètes, de coupeurs de route au chômage, de paysans spoliés, d’anciens militaires des Forces armées nationales (FACAS), de ruraux non scolarisés et de quelques boutefeux »4. Ces milices acéphales ne sont pas mieux commandées que leurs adversaires de la Séléka, elles coalisent les sans-grades et s’alimentent de la logique simplificatrice du bouc émissaire. L’usurpation d’une identité chrétienne face à l’ennemi musulman leur a permis de radicaliser leur discours et leurs pratiques. Et de légitimer ainsi une violence extrême, mise en scène sous l’œil effaré des caméras occidentales.
La crise qui déchire le pays depuis un an a révélé bien plutôt les insuffisances d’un Etat fantôme face à un peuple centrafricain divisé malgré lui et qui ne place aucun espoir dans la partition du pays. Le redressement politique de la Centrafrique appelle autre chose qu’un schéma théorique séduisant, cristallisé autour de la question religieuse. Il exige une réponse politique.
- Article RFI du 7 février 2014. ↩
- Nous manquons de données fiables à propos des appartenances religieuses en Centrafrique. Les croyances animistes, si elles peuvent dans certains cas être une pratique exclusive (peut-être 10% de la population), sont ainsi largement partagées par une grande majorité de la population. Ainsi, on estime que la population centrafricaine est majoritairement chrétienne (entre 60 et 70%), partagée pour moitié entre protestants (surtout les églises évangéliques, en plein essor) et catholiques. Les musulmans représenteraient, grosso modo, un tiers de la population centrafricaine. ↩
- Interview de l’imam Kobine par Thomas Vampouille, « Centrafrique : “Réconciliez-vous !”, l’appel de l’imam de Bangui », pour Métronews, 3 mars 2014. ↩
- Voir l’étude intéressante produite récemment par Didier Newiadowski, Conseiller de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France de Bangui (2008-2012), La République centrafricaine: le naufrage d’un Etat, l’agonie d’une Nation.
Source : http://www.causeur.fr/centrafrique-musulmans-chretiens,26601#
Centrafrique : la restauration de la sécurité, préalable pour la tenue des élections en février 2015
French.china.org.cn | Mis à jour le 14-03-2014
Le président de l'Autorité nationale des élections (ANE) centrafricaine Dieudonné Kombo-Yaya, peu optimiste pour la tenue des élections générales en février 2015, a déclaré jeudi à Xinhua que la restauration de la sécurité sur toute l'étendue du territoire national est un préalable pour l' organisation de ces consultations censées mettre fin à la période de transition.
La transition en Centrafrique a débuté après la chute du régime de François Bozizé le 24 mars 2013, renversé par l'ex-coalition rebelle de la Séléka conduite par Michel Djotodia, constraint lui- même à la démission de ses fonctions de président de la transition il y a deux mois par les dirigeants d'Afrique centrale et la France à cause de la persistance des violences dans le pays.
Catherine Samba-Panza, élue le 20 janvier par le Conseil national de transition (CNT, Parlement provisoire), conduit désormais cette transition avec un nouveau gouvernement d'union nationale dirigé par l'ex-vice-président de la Banque de développement des Etats de l'Afrique central (BDEAC) André Nzapayeke en remplacement de Nicolas Tiangaye, poussé également à la porte, jusqu'aux élections présidentielle et législatives projetées en février 2015.
Selon Dieudonné Kombo-Yaya, la situation actuelle d'insécurité reste "potentiellement explosive même dans les localités où règne un semblant de paix. Il serait suicidaire de déployer des agents électoraux dans ces localités. Nous accusons déjà du retard dans le démarrage du processus", a-t-il remarqué lors d'un entretien exclusif avec Xinhua jeudi à Bangui.
Nommée le 16 décembre, l'équipe de l'ANE n'a pas encore reçu les financements nécessaires à la mise en oeuvre de la machine électorale. "C'est pénible, honteux et gênant. On a créé une institution de cette dimension sans pour autant prévoir des moyens matériels, financiers et roulants pour son opérationnalisation", regrette le dirigeant.
"Il n'est un secret pour personne que les caisses de l'Etat sont vides. Malgré cette situation, l'Etat devra prendre ses responsabilités. Le temps presse", a-t-il ajouté.
Malgré ces difficultés, les membres de l'ANE ont sillonné en janvier onze préfectures sur les seize que compte la Centrafrique pour établir un premier état des lieux des ressources disponibles.
La transition en Centrafrique doit s'achever par l'organisation des élections en février 2015. Cependant, la préoccupation majeure demeure la restauration de la paix et de la sécurité dans ce pays frappé par une grave crise sécuritaire et humanitaire depuis plus d'un an.
Près d'un million de sa population vit toujours dans des camps des déplacés, fuyant les exactions commises soit par des ex- rebelles de la Séléka soit par des milices d'autodéfense anti- Balakas (anti-machettes).
Source: Agence de presse Xinhua
French.china.org.cn | Mis à jour le 14-03-2014
La présidente de la transition en Centrafrique Catherine Samba-Panza a créé jeudi par décret un conseil national de sécurité qu'elle préside avec le Premier ministre dans un contexte de persistance des violences intercommunautaires dans le pays malgré son élection en janvier par le Conseil national de transition (CNT, Parlement provisoire) après la démission forcée de l'ex-chef rebelle Michel Djotodia.
D'après le décret dont Xinhua a obtenu copie, ce conseil national de sécurité se réunit une fois par semaine et il a pour mission de fixer les objectifs et de coordonner la politique de sécurité et de défense, de définir les orientations de programmation militaire, de conduire des opérations et de planifier des réponses aux crises.
C'est un organe qui réunit les ministères en charge de la sécurité, de l'intérieur et des renseignements.
Catherine Samba-Panza a aussi nommé le même jour à la tête de la police nationale Etienne Bissa, commissaire de police divisionnaire, et le lieutenant-colonel Guy Bertrand Damango à la tête de la gendarmerie nationale.
La présidente de la transition a pris d'autres décisions dont l'allègement du couvre-feu de 23 heures à 5 heures du matin, au lieu de de 20 heures à 5 heures du matin.
Les forces de défense et de sécurité sont invitées vendredi à regagner les casernes, afin de soutenir les actions de restauration de la sécurité.
Selon un communiqué de l'état-major des armées, les Forces armées centrafricaines (FACA) sont invitées à s'associer aux opérations menées par les troupes africaines de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (MISCA) et les soldats français de l'opération Sangaris en vue de la stabilisation du pays.
Les FACA vivent dans la clandestinité depuis la chute du régime de François Bozizé le 24 mars 2013 par l'ex-coalition rebelle Séléka dirigée par Michel Djotodia, poussé à la démission de ses fonctions de président de la transition il y a deux mois par les dirigeants d'Afrique centrale et la France à cause de persistance des violences et de l'insécurité dans le pays.
Source: Agence de presse Xinhua